Quotidien d'une mère du sud
Et toi, Ariana, tu vas y aller, au séminaire dimanche? me demande Rastaquouette. Tu te doutes bien de ma réponse: quel séminaire? Ben celui sur comment élever son enfant fermement mais avec amour.
Levage d'yeux au ciel.
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Je la laisse continuer. Moi j'y vais pas, ajoute-t-elle, la dernière fois, la psy a dit que quand l'enfant résiste il faut lui demander sur une échelle de un à dix comment il classerait son désir de continuer l'activité qu'on lui demande d'arrêter pour faire ce qu'on lui dit.
Levage de sourcils. Et qui encadre ce séminaire, demande-je? La femme du rabbin, ça se passe à la synagogue.
Ah.
Si tu veux mon avis, avec son ainée, Sophie, je pense que c'est pas gagné: la gamine fait pleurer sa petite soeur dans ma voiture chaque matin en lui disant des trucs à l'oreille, résultat, l'ambiance est plombée dés sept heures trente, ma fille essaie de faire rire la petite, Titi lui passe un bras protecteur autour du cou en sortant de l'auto, j'interviens mais rien ne change, du coup j'ai rapporté, ah! elle pleure pour un rien me dit Rastaquouette, mais si tu veux je parlerai à la grande. Maintenant, cette dernière se vante de tout sous couvert d'une conversation amicale avec sa soeur, je mets la musique plus fort, mes enfants connaissent par coeur toutes les symphonies de Beethoven et ont mémorisé l'oeuvre complète d'Arvo Pärt.
Sophie a aussi décidé de changer de studio de dance, elles vont maintenant de l'autre côté de la ville trois fois par semaine jusqu'à vingt heures, c'est pas grave dit Rastaquouette qui jongle comme elle peut avec les horaires et sourit sans arrêt pour cacher sa rage. Rastaquouette est crevée et comme le veut la saison se choppe une bonne grippe pour laquelle elle se fait faire une piqûre d'antibiotique, elle ne peut pas se permettre d'être malade, il faut assurer le quotidien, non, non, Ariana, je tiens à faire ma part de co-voiturage, pas question insiste-je, le sacrifice a des limites.
Or not.
C'est sans compter sur Sophie qui, malade elle aussi, ENVOIE sa mère à 39, 5 de fièvre à la pharmacie pour avoir ses médicaments le plus vite possible, la grand-mère ne pouvant se charger de cette course qu'une heure plus tard, t'imagines Rastaq à l'article de la mort qui rapporte fièrement le remède tant attendu quand la gamine fait la grimace et lui dit, ces pilules ont un goût dégueulasse, va les changer.
C'est quoi le plus déstabilisant pour toi, que Rastaq retourne à la pharmacie avec une fièvre de cheval, -- même sans fièvre du reste, ou qu'elle s'en vante?
Je l'emmène, à ce séminaire?
Suggestion musicale du jour:
Arvo Pärt, De Profundis (what else?) Je te préviens, c'est plombant.