Si je meurs demain
Tu es peut-être au courant que cette année, Hanoukah est tombé LE jour de Thanksgiving, (je te passe les jeux de mots douteux des deux noms de ces fêtes réunis, même moi ça me rend malade, pourtant je suis championne pour trouver des noms...) dernière semaine de novembre, autant te dire qu'alors que t'es encore en train de te creuser la tête pour trouver un cadeau à ton mec QUI A TOUT, nous on prépare déjà Pessah.
Donc à mon école, mine de rien, ça nous a avancé de trois semaines le concert de fin d'année, et devine qui s'en charge? Ouais. D'autant que je dois manquer des cours car ma mère décide de nous mettre sa cérémonie de remise de Légion d'Honneur au milieu des répétitions. Petit saut surprise à Paris, Madame Lamento n'en croit pas ses yeux, samedi shopping mère et fille bras dessus bras dessous, tutoriel sur son nouvel iPad mini, thé au coin du feu, magret de canard chez Monsieur Lamento, et retour dare-dare pour préparer le concert. Si je meurs demain, j'aurais donné un jour de bonheur de plus à ma mère qui depuis longtemps a obtenu MA Légion d'Honneur.
Pour le petit concert, on mélange tout: pasltérions, glockenspiels, percus, hautbois moderne, violon, flûte à bec, soliste et choeur. Le soliste est un jeune garcon malentendant. Il chante dans un dialecte indien que le choeur reprend, puis en anglais des paroles que nous avons réécrites pour la circonstance. Yaakov s'en sort extraordinairement bien pour un enfant avec son handicap. Quand il a levé le doigt pour demander à chanter en solo je lui ai dit d'accord, essaie. Il nous a tous scotché. Il a chanté de tout son coeur, fort et juste. Les élèves et moi avons applaudi, manifestement conscients du miracle, je lui ai fait un grand sourire et lui ai dit: "you're the man!" Yaakov prend son rôle très au sérieux, si bien que lorsque arrive le moment de son entrée sur scène, il se trompe dans l'ordre des strophes. Comme ça ne change rien à la mélodie, après une demie seconde de flottement, nous reprenons en choeur. La pièce est un réel succès, Yaakov est manifestement contrarié quand l'un de ses copains lui dit, t'en fais pas, le public n'a rien vu, tu t'es super bien rattrapé. Le sourire revient.
Et c'est moi qui l'ai, maintenant, le sourire, depuis que j'ai reçu un email de sa mère, envoyé en copie à ma principale. La Rebbitzin, mère de Yaakov et prof d'hébreu me dit avoir du mal à décrire son nachas, sa fierté de voir son fils, son dixième enfant né avec ce handicap, incapable de parler avant l'âge de quatre ans, d'entendre la sirène d'avertissement de tornade sans son appareil auditif, chanter en solo ET JUSTE devant la communauté. Si tout ce que crée D' est parfait, continue-t-elle, où est la perfection dans un enfant handicapé? La réponse est peut-être qu'il fait ressortir la perfection chez les autres, chez toi, Ariana qui a accepté de lui donner sa chance au prix, peut-être, d'un récital imparfait.
C'est je crois chez tous les élèves de sa classe que la perfection de D' est apparue ce jour-là.
Si je meurs demain...
Suggestion Musicale du Jour: