L'honneur est sauf
A l'heure où j'hésite toujours à vous mettre une photo de ma robe blogo-américaine, je me targue d'une petite victoire culinaire.
Après tout, s'il y a bien trois préjugés français qui semblent bien ancrés, c'est la mode, la bouffe, et le sexe.
Il me parait difficilement concevable de prouver à mon voisinage immédiat que ce denier est bien fondé (et je conçois mal mon amoureux crier sur les toits que la légende est vraie -- encore que je ne vous ai pas raconté la réflexion du mari de Pipelette lors d'un repas chez eux, il avait sélectionné un vin californien moyen, du genre "ménage à trois" et m'avait glissé paillardement dans l'oreille avant d'en boire qu'il l'avait choisi pour moi... à sa décharge, il est Sud-Africain)
hello, you!
La pression est à son comble car ce soir je reçois à ma table le propriétaire d'un restaurant, à qui je sers, en appétitif, un dip fait de thon, cream cheese et ciboulette, mélange portugais vanté par ma future belle sœur (oui, je sais ce que vous pensez, j'aurais dû AUSSI lui demander des conseils vestimentaires ) et ma foi fort bon avec de la baguette, puis, fait avec amour, un bœuf bourguignon. Me souviens plus du vin que j'ai mis pour faire mariner la bête, mais toujours est-il que mon invité, NON content de se resservir de ce met délicieux, m'en a DEMANDE la recette.
C'est avec un grand sourire que j'ai dit non.
Quand il rajoute une dose massive d'orzo à ses pommes de terre, je prends mentalement note de retrouver la corde de Sarkozette, puis je remonte ma mâchoire inférieure.
L'orzo était pour les gosses. Manquerait plus qu'il mélange les chicken nuggets à son bourguignon. Dans ce cas-là, je me dis, la corde est pour lui.
Pourquoi est-ce que je ne m'étonne pas qu'il ne touche pas à la salade? Peur d'un empoisonnement à la nourriture saine, sans doute. Donc, MÊME PAS je sors le fromage, je crains le pire, qu'il le trempe dans sa bière ou dans du Baileys.
Quand j'apporte la mousse au chocolat, un voile d'inquiétude passe dans le regard de mes invités. Il voulait quoi, Casimir, du gloubi-boulga?
il s'appelle comment, l'autre glouton, déjà?
Je comprends enfin qu'il s'inquiète de la présence de produits laitiers dans la mousse, car son fils est lactose intolerant -- vous m'excuserez, j'sais pas comment on dit ça en français, je n'ai rencontré des cas qu'ici. Non, dis-je, pas la peine d'aller chercher les pilules dans la voiture, il n'y a que des œufs et du chocolat dans cette mousse, ni crème, ni lait, ni beurre.
Pas possible, dit Casimir en s'enfilant la part de son fiston, mais c'est vraiment délicieux, je peux avoir la recette?
Et puis quoi encore, il veut pas mon lit, non plus?
Suggestion musicale du jour:
Si la Noche Haze Escura
Jordi Savall
Invocation à la nuit